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Mon ado et l'alcool : dois-je m'inquiéter ?

Les adolescents boivent-ils plus aujourd’hui ? Sont-ils plus exposés aux dangers de l’alcool ?


Binge-drinking, open-bar, murge… Des mots qui font peur aux parents. Et qui sont peut-être prononcés avec dérision ou admiration par vos ados ?


Quand s’inquiéter de la consommation d’alcool des jeunes ? Y a-t-il un seuil d’alerte ?
A partir de quel moment peut-on parler d’addiction, ou d’alcoolisme ?

Mon ado et l'alcool : dois-je m'inquiéter ?

Vous êtes parent d’adolescent, et vous vous posez des questions sur les consommations de votre enfant. Difficile de faire le point avec les quelques éléments que vous avez… Et sachant que tout ne vous est probablement pas dit. Pas évident non plus de se positionner dans la modération ou l’interdit, alors qu’il ne pourrait s’agir que d’une brève période de vie. « Il faut que jeunesse se passe », dit le dicton…
Essayons d’abord de comprendre dans quel contexte s’inscrivent vos doutes, et comment les représentations autour de l’alcool ont évolué en France.  La société porte-t-elle un regard différent sur l’alcool aujourd’hui ? Et sur les ados face à l’alcool ?

1. L’évolution des représentations.

L’alcool a longtemps été synonyme de rejet, loin des représentations festives d’aujourd’hui. La religion a longtemps eu une place prépondérante en France, et l’alcool était associé à la prohibition, et même au pêché.  La population avait donc une vision « morale » des personnes consommant de l’alcool. L’homme sobre, solide, capable de tempérer ses envies, était alors vu comme un modèle, donné en exemple à l’église…
Mais nous sommes loin aujourd’hui d’une France chrétienne jusqu’au bout des ongles, et la société de consommation ne vient certainement pas appuyer l’idée qu’il faut se modérer et refréner ses désirs. « Ce que vous voulez, vous pouvez l’avoir » n’est-ce pas ? Telle est la promesse de notre société moderne.


Dans les années 1970, ce modèle moral cède la place à un modèle bio-psycho-social de la psychiatrie. Ce modèle prend de l’ampleur jusqu’aux années 1990, appuyant sur l’importance de l’environnement de l’individu, et soutenant des hypothèses médicales autour d’une pathologie du fonctionnement cérébral. Les psychanalystes et psychologues insistent quant à eux sur les éléments de vie dans l’histoire d’un individu, qui le fragiliseront et entraîneront potentiellement des recherches de solutions « faciles » et accessibles.
A la fin des années 1990, les addictions font leur entrée dans les hôpitaux. On dépêche alors des « équipes de liaison », tout juste créées, pour accompagner les patients jusqu’à leur domicile, faire le lien entre tous les soignants, proposer de la prévention.

 

Pourquoi ?
La pensée médicale a évolué avec son temps : de l’ivrognerie on est passé aux concepts d’alcoolisme et de toxicomanie, de dépendance, d’abus de substances… On appelle cela en 2017 des « troubles addictifs », qui peuvent être liés à une consommation, mais aussi à des comportements. Ces comportements troublés, ce sont les addictions aux jeux vidéo, au sexe, les achats compulsifs, aux jeux de hasard, le sport à l’extrême…

 

Cette conception de l’addiction, les jeunes ont en conscience. Mais ils sont pris entre différents discours paradoxaux : boire trop, c’est être malade. Mais ne pas boire, c’est être ringard ?
Le marketing fait son chemin dans les psychismes, rendant désirable ces jolis cocktails, des vodkas-bières, ces fêtes « open-bars »… La loi Bachelot a joyeusement autorisé la publicité pour de l’alcool sur le net. Votre ado y passe pas mal de temps, peut-être ?
Les messages autour de l’alcool festif, l’alcool terroir (les Français sont si bon producteurs, soutenons-les…) se multiplient. 

L’addiction la plus médiatisée par contre, elle concerne un produit légal et coûteux : le tabac. Difficile quand on est un parent fumeur, « accro », de poser l’importance des limites et de la modération. Les ados l’ont bien compris, et vous renvoient votre propre comportement.  Comment défendre alors leur santé et leur protection, quand il leur semble que vous ne prenez pas vraiment soin de la vôtre ? Les messages de prévention insistent sur l’arrêt du tabac, ils les ont vus !

 

Il est important alors que vous, parent, adulte consommateur, soyez au clair avec vos propres comportements et vos propres limites.

Un discours cohérent ne sera pas possible sans cette réflexion sur vous.

Passons donc à la différence entre un comportement « normal », et un comportement addictif. Pour vous, et pour tout individu, ado compris.

2. Boire beaucoup rarement / Boire peu régulièrement ?

Les consommations aigues d’alcool augmentent chez les jeunes, et chez les jeunes femmes en particulier. Si l’INPES notait une baisse de la fréquence moyenne de la consommation, elle observe en revanche une augmentation des ivresses pour les 15-17ans. Autrement dit, les ados boivent moins souvent, mais lorsqu’ils boivent, cela peut être de manière très excessive. Moins donc, mais plus.

Paradoxal ? Nous avons déjà évoqué l’impact de la publicité, le marketing lié à l’alcool ayant doublé ces cinq dernières années. Consommer de l’alcool est non seulement désirable, mais c’est aussi normalisé et banalisé. Celui qui est exclu en soirée, ce n’est pas celui qui boit trop, me racontaient certains jeunes patients. C’est celui qui n’est pas sociable, celui qui reste dans son coin. Et c’est bien connu, l’alcool détend, désinhibe, fait tomber les barrières. Pourquoi résister ?

 

Nous verrons un peu plus tard, que ces consommations excessives mais ponctuelles ne sont pas synonymes de dépendance. Elles sont circonscrites à des situations particulières. Attention alerte, si votre enfant commence à en avoir besoin en toute circonstance pour faire tomber l’inhibition !


Consommer en trop grande quantité, ce n’est pas nécessairement être alcoolique donc, mais cela augmente de façon exponentielle les risques pour la santé des consommateurs, jeunes ou non d’ailleurs. Votre inquiétude est d’autant plus légitime que l’alcool est la première cause de mortalité chez les 18-25 ans. Plus vraiment des adolescents, certes, mais de jeunes adultes parfois encore chez leurs parents et en études, qui jouent des problématiques similaires autour de l’émancipation que leurs pairs plus jeunes.

 

Ce qui est rassurant néanmoins, c’est que la diminution des consommations entraîne très rapidement une diminution des dommages associés à l’alcool.
Ces dommages peuvent d’ailleurs être physiologiques, mais ils sont à 50% sociaux : violences, délinquance, infractions, agressions, perte de notion des limites en général… Sans parler des accidents de la route.

 

 

Boire beaucoup, même rarement, c’est inquiétant. Et boire régulièrement ? En petites quantités, cela semble moins dangereux. A quel moment cela bascule-t-il ? Regardons ensemble à quel moment la régularité « sous contrôle » devient-elle de la dépendance, sans contrôle possible.

3. Quand l'addiction s'installe.

Quand parle-t-on d’addiction ? Quels sont les repères ? Quand devez-vous renforcer votre vigilance ?

 

On ne parle pas d’addiction dès lors qu’il y a consommation d’alcool. Et l’addiction s’installe rarement de manière immédiate.
Trois phases peuvent être identifiées lors de l’installation progressive de l’alcoolisme :

1-      La phase non-pathologique : l’alcool est consommé pour un usage récréatif. Autrement dit, un plaisir est associé à la consommation d’alcool, qui reste ponctuelle et raisonnée.

2-      L’usage intensif et soutenu : votre adolescent consomme trop, mais ses consommations restent organisées et se limitent à certains moments. Son intégration sociale peut en être affectée, mais elle reste possible. Des liens existent encore avec vous, ses amis, ses professeurs ou sa hiérarchie.

3-      La dépendance : c’est la dernière étape. L’adolescent perd le contrôle de sa consommation. Son comportement et ses activités sont organisés autour de l’alcool, qui devient une activité principale de son quotidien.

 

Quand parle-t-on d’addiction ? Quand le désir devient besoin.

 

Dans un cerveau « non-addicté », le contrôle, la récompense, la motivation sont en lien avec les expériences en mémoire. C’est ce qui va permettre qu’à différents moments de la décision de boire un verre, ou plusieurs, un frein se mette en place, ou une autorisation soit délivrée.

 

Par exemple, lorsque les différentes tâches de la journée sont accomplies, je peux aller boire une bière avec les copains. C’est une forme de récompense. Si j’arrive à travailler sérieusement tous les soirs de la semaine, on visitera une cave à vin ce week-end et j’aurai le droit à une petite dégustation. C’est une forme de motivation. La dernière fois que j’ai bu ce nombre de verres, j’ai été malade, je vais m’arrêter plus tôt cette fois. La mémoire active alors le contrôle cérébral.

 

 

Attention, dans les exemples précédents, l’âge des protagonistes n’est pas mentionné. En France, il faut être majeur pour pouvoir acheter et consommer de l’alcool. En deçà de 18 ans, c’est la responsabilité parentale qui prévaut. C’est donc votre appréciation de ce qui est raisonnable et autorisé qui prime. Ces exemples ne sont pas une validation d’une règle familiale à poser.

4. Quelques outils.

Je souhaite vous indiquer avant tout des outils innovants et qui me semblent efficaces d'un point de vue thérapeutique. Pas de liste de sites ou d'associations donc, que vous trouverez aisément via vos propres recherches.

 

Avec votre adolescent, c’est comme toujours le dialogue qui prime. Chaque occasion de boire peut être un bon préalable à ouvrir l’échange. Mais vous le savez bien, il arrive que les parents ne soient pas l’interlocuteur idéal pour échanger en toute honnêteté.

-      N’hésitez pas à lui proposer d’échanger avec un autre adulte, d’aller consulter en ligne. De nombreux sites existent et sont accessibles très facilement via une recherche.

-          Le Portail Addict’Aide : il permet à nos ados connectés d’accéder à une application française pour utiliser des auto-évaluations, des auto-mesures et contacter des « watchers », témoins qui peuvent être réactifs en cas de besoin d’aide urgente

-     Dans la réalité non-virtuelle, votre médecin généraliste reste votre premier interlocuteur. Il existe aussi des psychologues, addictologues, des associations…

-          Le CSAPA (Centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie) de votre région est une mine d’informations également.

 

 

-          Et bien sûr, en cas de difficulté pour aller rencontrer un professionnel, la prise en charge en ligne est une option.

 

     Pour vous, parents, entourage, le MOOC "Comprendre les Addictions" s'avérera très instructif si vous cherchez à étendre vos connaissances. Votre intérêt est le seul pré-requis. 
Cette prise d'informations, c'est le premier pas pour éviter la co-dépendance, ce dont je vous félicite.

J’espère avoir permis à certains d’entre vous d’y voir plus clair.

Difficile en effet de se repérer entre les représentations de la société, et les siennes…

L’adolescent qui boit est-il un malade, victime, un alcoolique, potentiellement violent et délinquant, ou un sympathique fêtard, français authentique et amateur de bonnes choses ?

Vous avez pu vous rendre compte qu’aucune de ces représentations ne leur rendait justice.

Pour toute autre question sur une situation individuelle, je reste disponible via le formulaire Contact.

 


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